Voilà une série que j’ai regardé pour la première fois à la télévision, en compagnie de ma fille, il y a maintenant un bon bout de temps (je dirais plus ou moins vingt ans). À cette époque, j’avais apprécié sans vraiment me poser de questions, et il faut reconnaitre qu’elle a des côtés « progressistes » en particulier des propos féministes. On assiste assez souvent à des conflits relevant du machisme, en particulier entre le personnage de Carl Winslow, le père de famille, et sa femme Harriet. Lesquels se résolvent toujours par Carl reconnaissant qu’il a eu tort et rendant hommage à sa femme.
Cependant, ce féminisme a ses limites. Lors d’un épisode, la morale à la fin, c’est qu’une jeune fille ne doit pas coucher à droite et à gauche, sous peine de ne plus être respectable et respectée. Il est vrai que (dans le même ou dans un autre, je me souviens plus) on milite aussi pour la chasteté des garçons, la mettant sur le même plan que celle des filles. Il y a d’autres accrocs à ce féminisme, sur l’apparence notamment, mais dans l’ensemble, il n’est pas trop mal représenté.
En revanche, ce visionnage récent m’a permis de constater que d’autres problèmes de société n’y sont pas traités de la même manière. On y trouve en particulier une forte homophobie. Dans un des épisodes, Carl, qui est flic, doit se déguiser en femme pour essayer d’arrêter un agresseur de femmes. À la fin, il réussit et, toujours déguisé et tout à sa joie, il embrasse son épouse. Un autre personnage surgit et se met à pousser des cris d’horreur et de dégout en voyant ce qu’il croit être deux femmes s’embrasser. Et ce n’est pas traité pour le côté humour, mais avec sérieux. Pas un instant, on laisse entendre que cette réaction est inappropriée, au contraire.
Autre chose qui m’a gênée et à laquelle, je n’avais pas vraiment fait attention, c’est le harcèlement dont est victime un des personnages. Je m’explique :
La fille de la famille, Laura, est l’objet d’un grand amour de la part d’un voisin, Steve Urquel. Il l’aime et tente, durant toute la série, de se faire aimer d’elle, par tous les moyens, y compris certains qu’on pourraient qualifier de harcèlement, justement. Elle ne cesse de le repousser, de lui dire non, de façon tout à fait directe, mais il ne se décourage pas et continue. À la limite, ce ne serait encore pas trop gênant. Mais ce qui l’est plus, c’est qu’à la fin (à la toute fin, genre la dernière saison, voire les derniers épisodes de la dernière saison), elle finit par tomber amoureuse de lui, alors qu’elle est en couple avec un autre. La morale assez nauséabonde qui s’en dégage est que le harcèlement finit par payer et faire en sorte que la personne que vous harcelez tombe amoureuse de vous. Enfin, pas tout à fait, puisque cela arrive aussi à deux autres personnages, avec les rôles inversés, cette fois-ci : c’est la fille qui est amoureuse et qui harcèle le garçon. Là, elle ne réussit pas et finit par abandonner. On voit donc la limite au féminisme ici aussi : si tu es un homme, harceler celle que tu aimes finira par marcher, mais si tu es une femme, non.
Voilà pour les critiques sur cette série et ce dont je me suis rendue compte avec ce visionnage quasi vingt ans après le premier. Parlons maintenant de ses qualités, parce qu’elle n’a pas que des défauts, heureusement (sinon, je ne la re regarderais pas).
On pourrait dire que, malgré l’abondance de personnages, il y en a trois principaux : Carl Winslow, le père de famille, Laura Winslow, la fille (d’ailleurs, durant les quatre première saisons, ils sont trois enfants, deux filles, dont elle est l’ainée et un garçon, le plus âgé, mais la troisième fille disparait à la cinquième et c’est comme si elle n’avait jamais existé) et le voisin, Steve Urquel. Ce sont essentiellement les interactions entre Steve et ces deux autres personnages qui font le fond de toute la série.
Le personnage de Steve n’apparait qu’à l’épisode 12 de la première saison, juste comme un petit voisin irritant, mais il a eu tellement de succès auprès des téléspectateurs qu’il devient rapidement un des protagoniste principaux, voire LE protagoniste principal. Il vole la vedette à la famille Winslow qui était au départ au centre de la série. Si bien que ce qui avait commencé comme une sitcom assez classique mettant en scène une famille américaine ordinaire, prend une tout autre dimension, surtout à partir du moment où Steve Urquel, suprêmement intelligent, commence à inventer toutes sortes d’objets futuristes. Elle devient alors une série hybride entre la sitcom et la SF. Ce qui en fait un OFNC : objet filmé non classifiable.
J’en oublie peut-être, mais Steve invente une machine qui modifie l’ADN, une autre qui clone objets comme êtres vivants, un plateau à téléporter, une machine à voyager dans le temps.
C’est ce côté SF qui m’a particulièrement attirée vers la série et aussi, je dois dire, le personnage de Steve qui ne se contente pas d’être très intelligent, mais est aussi d’un loufoque complètement assumé, ce qui lui permet de passer au milieu de la tempête de critiques et agressions dont il est l’objet, à cause de cette excentricité, avec sérénité.
Bref, une série à voir avec un œil critique pour certains aspects, mais aussi avec l’émerveillement que peut procurer une bonne suspension d’incrédulité.